Accueil

 

Que ce soit dans un café ou un magasin, chez le notaire ou le médecin, dans un avion, un taxi ou un restaurant, un accueil négligent donne l’impression de déranger. Il peut vous froisser, vous décevoir ou, pire, vous mettre en colère.

 

Vous êtes le client, vous avez payé ou vous allez le faire pour une prestation, et vous constatez un laisser-aller qui ne répond pas à votre attente de la part d’un employé ou du patron.

 

Il en résulte pour vous la contrariété de paraître invisible ou sans intérêt. Au contraire, le garçon ou la serveuse donne le sentiment agréable de connaître leur métier lorsqu’ils vous reconnaissent, répètent les termes de votre commande et vous conseillent pour votre choix. On se promet de revenir et de recommander la boutique, le restaurant, le café, etc.

 

La situation

 

Un garçon de restaurant est contrariant lorsqu’il sort de son rôle qui devrait être seulement d’attentions pour vous et vos convives, et de compétence sur la composition des plats affichés au menu. Il mériterait d’être chapitré en plusieurs circonstances, parfois cumulées :

 

- il se vante de faire mieux que les autres serveurs ;

 

- il vous donne une impression de condescendance lorsque vous êtes attablé dans un restaurant étoilé ;

 

- il porte des vêtements tachés et dépenaillés, des chaussures non lacées ;

 

- vous sert un plat que vous n’avez pas commandé, ou une viande trop cuite quand vous l’aviez demandée saignante ;

 

- disparaît entre le café et la note à présenter, et vous le cherchez des yeux, car un de vos invités est pressé.

 

On aurait voulu le remettre en place, mais on le ménage pour ne pas gâcher la fête partagée avec des amis. On le peut encore moins lorsqu’on a été soi-même convié.

 

Dans un restaurant, la personne invitante avait commandé un bar grillé pour six personnes. Le serveur nous avait présenté le grand poisson entier avant de le découper, suscitant des gloussements d’admiration. Je n’avais pas pris part au chœur des louanges, car, pécheur, j’avais identifié un mulet et pas le prétendu bar qui vaut trois fois plus cher. Avais-je le droit de dénigrer le festin auquel j’avais été invité ?

 

À un guichet auquel vous accédez enfin, vous aurez à calmer votre courroux lorsque le préposé, de l’autre côté du comptoir, interrompt son dialogue avec vous pour tailler une bavette avec un autre employé ou répondre au téléphone sans s’être excusé auprès de vous ni paraître pressé d’écourter la conversation.

 

Dans un taxi, la radio, restée allumée sans votre accord, a diffusé des infos, de la musique pas à mon goût, ou encore un dimanche un prêcheur évangéliste amé- ricain. Le chauffeur, maître des lieux, m’a parfois instruit de commentaires inappropriés au point qu’on aurait voulu être ailleurs. Il y a aussi une odeur qu’on ne peut pas éviter. Bref, on voudrait se sauver, mais, par malheur à Paris ce jour-là, la course s’enlise dans un embouteillage.

 

À la boucherie d’une grande surface, nous étions trois à l’avoir attendu pendant un quart d’heure. Il était enfin arrivé sans s’excuser. Pour toute réponse à nos remarques, il nous avait appris le droit syndical à un quart d’heure d’interruption. Ma voisine qui avait comme moi attendu d’être servie lui a fait remarquer qu’il aurait dû prévenir les acheteurs, au moins par une petite pancarte.

 

Quel est le vice commun à ces prestataires peut-être persuadés de bien exercer leur métier ? Ils n’ont tout simplement pas le « sens du client ». Cela signifie qu’ils accomplissent leur tâche de leur mieux, avec cependant une carence de taille, celle de ne pas se préoccuper de donner satisfaction à la clientèle. C’est un défaut commun à beaucoup de commerçants, mais qu’on rencontre aussi dans d’autres circonstances de la vie. Il y a tant à enseigner dans les écoles professionnelles et les universités, qu’elle n’est pas ou peu inculquée aux apprentis. Elle préside dans les souks à toutes relations entre le vendeur et le client, quand la négociation prévaut sur la vente. Ce simple principe a donné lieu à une Règle d’Or de la vie en société, commune à toutes les cultures et toutes les religions. C’est une recommandation évangélique qui relève à la fois de la sensibilité et de la générosité. « Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux » (Matthieu, 7,12).

 

En pratique, tout apprenti attentif acquiert le pli de comprendre le service demandé en imitant son patron s’il est tombé chez un bon commerçant. Sinon, il restera longtemps un technicien.

 

Que faire ?

 

La première et la plus saine des réactions consiste à quitter les lieux quand cela est possible. Mais ce n’est pas possible en taxi où la réplique minimum consiste ne pas laisser de pourboire.

 

Partir sans un mot, comme on était venu; surtout ne pas exprimer sa réprobation. J’ai fait pire une fois.

 

Au restaurant d’une grande surface, la jeune femme de service derrière les récipients tenus au chaud parlait avec une collègue pendant qu’elle garnissait mon assiette. Je n’avais vu que son profil. J’avais payé avec un billet de 20 €, mais elle avait encaissé le montant en déduction d’une coupure de 50 €. Une fois attablé, je me suis aperçu de son erreur. Vexé d’avoir été ignoré, je ne suis pas allé lui rendre la monnaie touchée en trop. L’ennui c’est qu’elle ignorera son erreur. Si elle la constatait en faisant sa caisse, ce serait un nouveau sujet de conversation avec la collègue voisine pendant le service. C’est moi qui ai été affecté : il m’est resté le regret d’avoir réagi de la sorte.

 

Certains, habitués aux échanges sur des réseaux sociaux vont s’y plaindre de la qualité de service dans tel établissement : il faut savoir. Ça peut faire mal, trop, ou s’amortir sans échos.

 

Une façon plus simple, se promettre de ne plus jamais mettre les pieds dans ce repaire de goujats. C’est impossible lorsqu’on est obligé de s’adresser à l’établissement, client d’une banque, unique bureau de poste du village ou service administratif spécialisé inévitable.

 

On pourrait donner une deuxième chance à la boîte (pas au taxi, bien sûr !) en espérant tomber sur un employé plus courtois et attentif aux clients. On manifesterait alors sa désapprobation si l’on constate le même laisser-aller. Cette façon prévaut sur une réaction à chaud; on a eu le temps de ruminer la diatribe sur le manque de professionnalisme. Entendons-nous bien : vos remontrances sont faites pour vous soulager d’un poids resté sur le cœur, pas dans le dessein d’éduquer le personnel. Il a aussi l’avantage de vous faire connaître et respecter si vous tenez à fréquenter l’établissement.

 

Une manière plus vindicative consiste, dans les cas où c’est possible (pas dans un avion, bien sûr), à demander sur le champ à voir le responsable, le patron ou du moins un supérieur de l’employé dont vous désapprouvez le service. Une deuxième chance déçue aura justifié votre exigence à intervenir à un échelon plus élevé. Car, ne vous y trompez pas, un manque de professionnalisme et de rigueur de la part du personnel résulte d’une direction mal structurée ou trop laxiste.

 

Le déficit de l’accueil fait partie des neuf raisons pour lesquelles j’évite de voyager en avion. J’ai perdu le sentiment rassurant que donnaient une hospitalité souriante dès le seuil franchi et les petits soins dont on entourait les passagers. En toute logique, vous me conseilleriez de me payer au moins la classe affaires. Il me resterait alors seulement huit arguments pour ne pas prendre l’avion.